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Les décisions à retenir en droit pénal de l’urbanisme en 2024

  • Thomas Poulard
  • 25 mars
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 10 avr.



Au cours de l’année 2024, plusieurs arrêts majeurs ont été rendus par la Cour de cassation en droit pénal spécial de l’urbanisme. 

Deux décisions concernent l’astreinte ordonnée par le juge pénal (I). Une décision concerne l'élément matériel du délit d'exécution de travaux sans l’autorisation d'urbanisme requise (II).

I) L'astreinte ordonnée par le juge pénal

Pour rappel, lorsque le juge pénal condamne l’auteur d’une infraction au code de l’urbanisme, il peut lui enjoindre de remettre les lieux en l’état (art. L. 480-5 C. urb.).

Il doit alors fixer un délai d’exécution ; il peut assortir aussi assortir son injonction d’une astreinte, qui va courir à compter du terme du délai d’exécution fixé par le juge (art. L. 480-7 C. urb.).

Dans son arrêt du 6 février 2024 n°22-82.833, que vous pourrez consulter ici, la Cour de cassation a précisé que l’astreinte vise seulement à « contraindre son débiteur à exécuter » la décision, et non à le sanctionner personnellement. Partant, l’astreinte fixée par le juge « n'a pas, en l'absence de tout texte le prévoyant, à être motivée au regard des ressources et des charges du prévenu ».

Dans un autre arrêt du 26 mars 2024 n°23-81.499, que vous retrouverez en cliquant ici, la Cour de cassation a précisé que l’astreinte ne peut pas être liquidée si la décision de condamnation n’a pas fixé le délai d’exécution de la mesure de remise en état.

Dans cette affaire, le demandeur a saisi le tribunal correctionnel qui l’avait condamné à une mesure de remise en état assortie d’une astreinte d’une requête en annulation du titre de perception émis par l’Etat pour le recouvrement de l’astreinte, en application de l’article 710 du code de procédure pénale[1].

Le titre de perception est annulé en appel.

La cour d’appel a relevé que la décision de condamnation n’avait pas fixé de délai d’exécution.

Elle en a déduit que le délai d’astreinte n’a pas couru et que le titre de perception n’a pas de fondement valable.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’Etat et approuve le raisonnement des juges d’appel.

D’une part, lorsque le juge pénal est saisi en application de l’article 710 du code de procédure pénale, il est seulement compétent pour trancher les incidents relatifs à l’exécution d’une décision, mais pas pour retrancher ou ajouter des éléments à la décision initiale. Il ne peut donc pas fixer lui-même de délai d’exécution.

D’autre part, l’astreinte ne peut pas être exécutée en l’absence de délai d’exécution.

En conclusion : l’astreinte ne peut pas être liquidée si le juge pénal n’a pas fixé le délai d’exécution de la mesure de remise en état !

II) Le délit de réalisation de travaux sans l'autorisation d'urbanisme requise.

Selon l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme : « Le fait d’exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 et L. 421-5-3 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable (…) ».

L'article R. 421-17 du code de l'urbanisme prévoit, depuis le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 pris pour l'application de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme, qu'un simple changement de destination, même non accompagné de travaux, est soumis à déclaration préalable lorsqu'il n'est pas soumis à permis de construire[2].

Alors, l’exécution d’un changement de destination qui n'est pas accompagné de hashtag sans la déclaration préalable prévue à l’article R. 421-17 b) du code de l’urbanisme peut-il caractériser l'infraction prévue à l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme, qui vise « [l]e fait d’exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 et L. 421-5-3 » sans l'autorisation d'urbanisme requise ?

La Cour de cassation répond positivement à cette question dans un arrêt n°23-85.489 du 3 septembre 2024.

Dans cette affaire, le demandeur au pourvoi avait été reconnu coupable en appel de plusieurs infractions au code de l'urbanisme, dont l'exécution irrégulière de travaux soumis à déclaration préalable, pouvoir avoir transformé un hôtel en logements locatifs.

Il soutenait que le changement de destination ne constitue l’infraction réprimée à l’article L. 480-4 C. urb. que si l'existence des travaux ayant eu pour effet ce changement de destination est caractérisée.

Il faisait grief aux juges d’appel de l’avoir condamné, sans caractériser l’existence de tels travaux.

La Cour de cassation approuve le raisonnement de la Cour d’appel et rejette le pourvoi : « dès lors que le changement de destination d'une construction existante, même non accompagné de travaux, doit faire l'objet d'une déclaration préalable en vertu des articles L. 421-1 et R. 421-17 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction en vigueur depuis 2007, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen ».

Le raisonnement de la Cour de cassation assimile aux « travaux » visés à l’article L. 480-4 al. 1 C. urb. le simple « changement de destination », ce qui pourrait poser question au regard du principe d’interprétation stricte des délits et des peines.

Toutefois, elle rejoint l’analyse du Conseil d’Etat quant au champ d’application de l’article L. 481-1 C. urb, qui permet au maire de mettre en demeure l’auteur des travaux d’avoir à régulariser sa situation, soit en sollicitant l’autorisation d’urbanisme requise, soit en remettant les lieux en l’état [3].

 

[1] En effet, la Cour de cassation juge au visa de l’article 710 du code de procédure pénale que le contentieux du recouvrement de l'astreinte relève du juge pénal qui l'a ordonnée (Cass. Crim., 24 mars 2015, n°14-84.300)

[2] « Doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R*421-14 à *R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : (...) b) Les changements de destination d'un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l'article R. 151-27; pour l'application du présent alinéa, les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal et le contrôle des changements de destination ne porte pas sur les changements entre sous-destinations d'une même destination prévues à l'article R. 151-28 ; »

[3] CE, 23 mars 2023, req. n°468360, publié au recueil Lebon :« 3. Ces dispositions, introduites dans le code de l'urbanisme par la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, permettent à l'autorité compétente, indépendamment des poursuites pénales qui pourraient être engagées, de prononcer une mise en demeure, assortie le cas échéant d'une astreinte, dans différentes hypothèses où les dispositions du code de l'urbanisme, ou les prescriptions résultant d'une décision administrative ont été méconnues, en vue d'obtenir la régularisation de ces infractions, par la réalisation des opérations nécessaires à cette fin ou par le dépôt des demandes d'autorisation ou déclarations préalables permettant cette régularisation. Il résulte de ces dispositions, prises dans leur ensemble et eu égard à leur objet, que, si elles font référence aux " travaux ", elles sont cependant applicables à l'ensemble des opérations soumises à permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensée, à titre dérogatoire, d'une telle formalité et qui auraient été entreprises ou exécutées irrégulièrement. Il en est notamment ainsi pour les changements de destination qui, en vertu de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme, sont soumis à déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire ».

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