Comment réagir … quand mon voisin réalise des travaux sans permis de construire ?
- Thomas Poulard
- 13 mars
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 18 mars
Vous constatez la réalisation de travaux dans votre voisinage et vous estimez qu’ils nuisent à vos intérêts légitimes.
Vous considérez que ces travaux sont réalisés sans l'autorisation d'urbanisme (permis de construire, d'aménager ou de démolir, ou déclaration préalable) nécessaire et vous vous demandez comment réagir et quels sont vos recours ?
Cet article est fait pour vous.
Alors, quels sont les premiers réflexes à avoir ?

D’abord, vérifier si une autorisation d’urbanisme était nécessaire (permis de construire, d’aménager ou de démolir, déclaration préalable).
En effet, tous les travaux ne sont pas nécessairement soumis à autorisation d’urbanisme.
Mais ils doivent tous respecter, en revanche, les règles du plan local d’urbanisme (PLU)[1].
Par exemple, la simple division d’un pavillon d’habitation en deux logements n’est pas soumise, en principe, à autorisation d’urbanisme (mais, un « permis de diviser » peut être requis, s’il a été instauré par la commune ou l’intercommunalité compétente sur le territoire[2]).
En revanche, ces travaux devront respecter le PLU, qui peut imposer par exemple la création de places de stationnement supplémentaires à raison de la création d’un logement supplémentaire.
Le champ d’application des autorisations d’urbanisme (permis de construire, d’aménager ou de démolir et déclarations préalables) est défini par le code de l’urbanisme.
Les règles sont nombreuses et complexes, suivant qu’il s’agit d’une construction nouvelle ou de travaux sur une construction existante, d’une installation ou d’un aménagement, etc.
Il est donc préférable de se faire accompagner par un professionnel.
Mais d’une façon générale, les travaux qui se traduisent par la création d’une surface de plancher ou d’une emprise au sol de plus de 5 mètres carrés ou qui modifie l’aspect extérieur d’une construction (ex : pose d’une fenêtre de toit) sont a minima soumis à déclaration préalable (voire à permis de construire).
Ensuite, vérifier si une autorisation d’urbanisme a été accordée.
En effet, il se peut que l’auteur des travaux ait obtenu l’autorisation d’urbanisme requise, mais qu’il ne l’ait pas affichée, par exemple pour ne pas attirer l’attention de ses voisins.
Dans ce cas, l’autorisation d’urbanisme n’est pas illégale, mais le délai de recours de deux mois n’est pas opposable aux tiers[3].
Les autorisations d’urbanisme accordées par le maire sont en principe affichée en mairie (ou sur le site internet de la commune) dans les 8 jours suivants la décision et pendant deux mois[4]. Il faut donc aller consulter l’affichage municipal.
Mais vous pouvez aussi interroger directement le service urbanisme de votre mairie.
Comme toute administration, la commune est en effet tenue de vous communiquer, si vous le demandez, les documents administratifs qu’elle a en sa possession[5].
Le dossier de demande de permis de construire ou le dossier de déclaration préalable et la décision prise sur cette demande (qu’elle soit favorable ou défavorable) sont des documents administratifs communicables[6].
Vous pouvez donc demander à la commune de vous adresser la ou les autorisations d’urbanisme accordées pour la réalisation des travaux que vous avez constatés.
En pratique, si aucune autorisation d’urbanise n’a été accordée, la commune vous l’indiquera.
Et s’il s’avère que les travaux sont réalisés sans le permis ou la décision de non-opposition à déclaration préalable requise ?
Il faut faire constater les travaux !
Selon la nature et l’importance des travaux, vous pouvez les faire constater par commissaire de justice, voire saisir le juge des référés du tribunal judiciaire pour qu’il désigne un expert afin de constater les travaux en cours[7].
Comment obtenir l’interruption des travaux ?
Plusieurs voies de recours vous sont ouvertes pour tenter d’obtenir l’interruption des travaux :
Demander au maire de mettre en œuvre ses pouvoirs de police.
Le maire dispose de nombreuses prérogatives pour assurer le respect des règles d’urbanisme.
D’abord, en tant qu’officier de police judiciaire, il doit constater l’irrégularité des travaux et le cas échéant établir un procès-verbal d’infraction au code de l’urbanisme qu’il adressera au procureur de la République[8].
L’établissement du procès-verbal d’infraction est une étape fondamentale.
L’établissement du procès-verbal permet au maire de prendre un arrêté interruptif de travaux (à moins que les travaux ne soient achevés)[9].
Le Maire pourra également mettre en demeure l’auteur des travaux de régulariser sa situation en sollicitant une autorisation d’urbanisme, voire de remettre les lieux en l’état suivant les articles L. 481-1 et suivants du code de l’urbanisme.
Il faut donc signaler au maire de la commune les travaux en cours, par lettre recommandée avec accusé de réception, et lui demander d’établir un procès-verbal de constat d’infraction, de prendre un arrêté interruptif de travaux et d’enjoindre à l’auteur des travaux de procéder à la régularisation ou à la remise en état des lieux.
Si le maire refuse, ou s’il ne répond pas dans les deux mois à compter de la réception de la demande, sa décision peut être attaquée devant le tribunal administratif.
Mais le tribunal administratif mettra 12 à 18 mois pour statuer …
En parallèle, il pourra donc être envisagé de demander au juge des référés du tribunal administratif de suspendre le refus du maire d’ordonner l’interruption des travaux – l’urgence est présumée dans ce cas, il ne reste donc plus qu’à démontrer au juge que ce refus est illégal[10].
En revanche, lorsque le maire refuse même d’établir un procès-verbal d’infraction, le juge des référés du TA peut être saisi d’une demande de suspension du refus du maire, mais l’urgence n’est pas présumée et le requérant devra démontrer que la situation préjudicie de façon suffisamment grave et immédiate à ses intérêts pour caractériser l’urgence[11].
Saisir le juge des référés du tribunal judiciaire.
Selon l’article 835 du code de procédure civile : « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».
La réalisation de travaux sans l’autorisation d’urbanisme requise peut caractériser un trouble manifestement illicite[12], justifiant qu’il ordonne la suspension des travaux.
Bref, il faut être réactif pour ne pas être pris de vitesse !
[1] Art. L. 152-1 du code de l’urbanisme : « L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques.
Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation ».
[2] Art. L. 126-18 al. 1 du code de la construction et de l’habitation : « Une autorisation préalable aux travaux conduisant à la création de plusieurs locaux à usage d'habitation dans un immeuble existant peut être instituée par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat ou, à défaut, par le conseil municipal dans les zones présentant une proportion importante d'habitat dégradé ou dans lesquelles l'habitat dégradé est susceptible de se développer. La délibération motivée tient compte du plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées et, lorsqu'il est exécutoire, du programme local de l'habitat. Si la commune intéressée n'est pas couverte par un programme local de l'habitat, la délimitation est prise après avis du représentant de l'Etat dans le département. Le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat ou, à défaut, le maire refuse l'autorisation lorsque la division contrevient à l'article L. 126-17 ».
[3] Selon l’art. R. 600-2 du code de l’urbanisme : « Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ».
[4] Selon l’art. R. 424-15 du code de l’urbanisme : « (…) En outre, dans les huit jours de la délivrance expresse ou tacite du permis ou de la décision de non-opposition à la déclaration préalable, un extrait du permis ou de la déclaration, le cas échéant accompagné de la décision explicite de l'autorité administrative mentionnée au II de l'article L. 632-2 du code du patrimoine, est publié par voie d'affichage à la mairie pendant deux mois. Lorsqu'une dérogation ou une adaptation mineure est accordée, l'affichage en mairie porte sur l'intégralité de l'arrêté. L'exécution de la formalité d'affichage en mairie fait l'objet d'une mention au registre chronologique des actes de publication et de notification des arrêtés du maire prévu à l'article R. 2122-7 du code général des collectivités territoriales.
La publication par voie d'affichage en mairie prévue au troisième alinéa peut être remplacée par une publication par voie électronique sur le site internet de la commune ».
[5] L’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration pose ainsi le principe selon lequel : « Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ».
[6] V. par exemple l’avis de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) n°20232169 du 20 juillet 2023
[7] v. par exemple TJ Draguignan, 23 octobre 2024, 24/01704
[8] Selon l’art. L. 480-1 al. 3 et 4 du code de l’urbanisme : « Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès verbal.
Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public ».
[9] Selon l’art. L. 480-2 al. 3 du code de l’urbanisme : « Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. Pour les infractions aux prescriptions établies en application des articles L. 522-1 à L. 522-4 du code du patrimoine, le représentant de l'Etat dans la région ou le ministre chargé de la culture peut, dans les mêmes conditions, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux ou des fouilles ».
[10] L'exécution de la décision dont est demandée la suspension permettant l'édification sans permis d'une construction, la condition d'urgence posée à l'article L. 521-1 du code de justice administrative relative à l'urgence doit être regardée comme remplie (CE, 9 mai 2001, req. n°231076). Le juge des référés suspendra le refus du maire s’il est illégal.
[11] CE, 23 septembre 2019, req. n°424270
[12] V. par exemple CA Montpellier, 6 juin 2024, n°23/04505