Comment contester l'avis de taxe d’aménagement … quand des travaux ont été réalisés sans le permis de construire ou la déclaration préalable nécessaire ?
- Thomas Poulard
- 28 févr.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 mars
Il faut vérifier la prescription du délai de reprise de l’administration fiscale, les éventuelles causes d’exonération et les bases de calcul de la taxe d’aménagement retenues par l’administration !

Une piscine creusée en toute discrétion, une pergola subrepticement convertie en véranda, un ancien bâtiment agricole discrètement transformé en gîte … il arrive fréquemment, de bonne ou de mauvaise foi, que des travaux soient réalisés sans l’autorisation d’urbanisme qui était pourtant requise.
L’auteur des travaux espère souvent passer inaperçu, comptant sur l’écoulement du temps et la discrétion du voisinage.
Cela s’avère pourtant très risqué. Les communes sont de plus en plus vigilantes quant au respect des règles d’urbanisme et n’hésitent pas à exercer leur droit de visite. Et l’exploitation des prises de vue satellitaires facilite le repérage des infractions.
En pratique, la commune va établir un procès-verbal d’infraction constatant la réalisation de travaux illicites.
Les conséquences sont graves : outre les sanctions pénales et civiles encourues, le bénéficiaire des travaux s’expose à un rappel de taxe d’aménagement.
Avant d’expliquer tout cela, il faut préciser que les règles en matière de taxe d’aménagement ont évolué avec l’ordonnance n°2022-883 du 14 juin 2022, qui a déplacé ces règles du code de l’urbanisme au code général des impôts. A cette occasion, ces dispositions ont connu quelques évolutions, mais les principes restent les mêmes. Il faut toutefois systématiquement vérifier, à la réception d’un titre de perception, quelles sont les règles applicables au litige ! A titre indicatif, les règles issues de l’ordonnance du 14 juin 2022 sont applicables lorsque le procès-verbal d’infraction a été établi après le 1er septembre 2022.
La taxe d’aménagement, qu’est-ce que c’est ?
La taxe d’aménagement est une « taxe d’urbanisme ».
Elle est collectée par les services fiscaux de l’État et partagée entre les communes ou intercommunalités, les départements et, en Ile-de-France, la Région[1].
Elle finance, notamment, les équipements publics des communes et intercommunalités, la politique de protection et d’ouverture au public des espaces naturels sensibles des départements, etc.
Quand la taxe d’aménagement est-elle due ?
La taxe d’aménagement est perçue, essentiellement, à l’occasion des opérations de construction, de reconstruction, d’agrandissement ou d’aménagement des bâtiments, installations ou aménagements soumis à autorisation d’urbanisme. Certaines opérations emportant changement de destination sont également soumises à la taxe d’aménagement[2].
En pratique, le titulaire du permis ou de la décision de non-opposition remplit une déclaration fiscale contenant les bases de calcul de la taxe dans les 90 jours qui suivent l’achèvement des travaux, à moins que la surface de la construction ou la surface transformée ne soit supérieure ou égale à 5 000 m2 ; dans ce dernier cas, la déclaration fiscale doit être établie avant le 7ème mois qui suit le mois de la délivrance de l’autorisation[3].
Ensuite, l’administration fiscale calcule le montant de la taxe d’aménagement et émet le ou les titres de perception pour le recouvrement de la taxe :
- si le montant de la taxe est inférieur ou égale à 1 500 euros, elle émet un titre de perception à compter du 90ème jour suivant l’achèvement des travaux ;[4]
- si le montant de la taxe est supérieur à 1 500 euros, elle émet deux titres d’un montant égal, le premier à compter du 90ème jour suivant l’achèvement des travaux, le second six mois après le premier ;[5]
- enfin, si la surface de la construction ou la surface transformée est supérieure ou égale à 5 000 m2, deux acomptes sont dus : le premier acompte de 50 % est dû le 9ème suivant celui de la délivrance de l’autorisation, le second de 35 % au 18ème mois suivant celui de la délivrance de l’autorisation[6].
Comment la taxe d’aménagement est-elle calculée ?
Le produit d’une taxe ou d’un impôt, c’est (presque) toujours la multiplication d’une assiette (la base d’imposition) par un taux (d’imposition).
La taxe d’aménagement n’y fait pas exception.
Pour l’obtenir, on multiplie la valeur (fiscale) de l’ensemble immobilier par le taux de la taxe d’aménagement :

Pour obtenir la valeur de l’ensemble immobilier, on prend en compte deux variables[7] :
- la surface de plancher créée : on multiplie la surface de plancher construite ou transformée par une valeur forfaitaire au m2 fixé par la loi (1 036 €/m2 en Ile-de-France, 914 euros ailleurs)[8] ;
- la valeur forfaitaire de certaines catégories d’installations et aménagements : pour une piscine par exemple, la valeur forfaitaire est de 250 €/m2 ; pour les aires de stationnement extérieures, 3 000 € par emplacement, etc[9].

Quant aux taux, ils sont fixés par les collectivités concernées chacune pour la part qui les concerne, dans les limites fixées par la loi :
- au niveau départemental et, en Ile-de-France, régional, le taux est fixé par délibération du conseil départemental ou régional, et ne être supérieur à 2,5 % au niveau départemental et 1 % au niveau régional ;[10]
- au niveau communal ou intercommunal, c’est un peu plus compliqué. En l’absence de délibération de la commune ou de l’EPCI, le taux est fixé à 1 %. Mais il peut être fixé par délibération jusqu’à 5 %[11]. Et il peut même aller exceptionnellement jusqu’à 20 % dans certains secteurs, par délibération motivée, si l'importance des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs rend nécessaire la réalisation de travaux substantiels d’équipements publics (voies, réseaux, espaces publics, équipements collectifs …)[12].

Bien sûr, les choses ne sont pas aussi simples : il existe également des exonérations et des abattements.
L’exonération, c’est le fait de « dispenser » de la taxe d’aménagement certaines catégories de constructions ou d’aménagements (ex : les logements sociaux, certaines constructions agricoles, etc.), soit « de plein droit » par le seul effet de la loi, soit à titre facultative lorsqu’elles ne sont instaurées que par délibération des collectivités concernées[13].
L’abattement, c’est le fait de « réduire » la valeur de l’ensemble immobilier qui sert de base de calcul à la taxe. Les abattements sont prévus à l’article 1635 quater I. Par exemple, un abattement de 50 % est applicable sur la valeur des 100 premiers mètres carrés des locaux d’habitation à usage de résidence principale[14].
Et si des travaux ont été réalisés sans l’autorisation d’urbanisme nécessaire ?
Dans ce cas d’abord, la taxe d’aménagement n’est exigible que si un procès-verbal a été établi pour constater l’achèvement des travaux[15].
Mais comment l’administration fiscale calcule-t-elle l’imposition, alors qu’aucune déclaration fiscale n’a, par hypothèse, été déposée ?
Dans ce cas, elle procède par la voie de la taxation d’office[16], à moins que le contribuable ne régularise sa situation en déposant une déclaration fiscale dans un délai de trente jours suivant la notification de la mise en demeure adressée en ce sens par le fisc[17].
En tout état de cause, l’administration ne peut procéder à un rappel d’imposition que jusqu’au 31 décembre de la 6ème année suivant l’année d’achèvement des travaux, le contribuable doit donc systématiquement s’interroger sur la prescription du délai de reprise de l’administration fiscale[18].
Notons enfin que dans ce cadre, l’administration fiscale est fondée à imposer des pénalités de 80 % !
Alors, quels sont les premiers réflexes à avoir en recevant l’avis de taxe d’aménagement ?
D’abord, il faut s’assurer que le « délai de reprise » de l’administration n’était pas prescrit.
Ensuite, il faut vérifier que les travaux ou aménagements ayant donné lieu à procès-verbal et taxation d’office étaient bien soumis à autorisation d’urbanisme, car seul les travaux soumis à autorisation d’urbanisme entrent dans le champ d’application de la taxe d’aménagement.
Il faut également rechercher s’il existe une cause d’exonération de la taxe d’aménagement.
Enfin, il faut contrôler les bases de calcul de la taxe d’aménagement :
- la valeur (fiscale) de l’ensemble immobilier en tenant compte des abattements ;
- le taux d’imposition applicable et la légalité des majorations votées par la commune ou l’EPCI.
Et bien sûr, autant se faire accompagner par un professionnel qualifié !
Et pour contester l’imposition ?
Avant de saisir le tribunal administratif compétent pour trancher le litige, le contribuable doit présenter une réclamation préalable à l’administration fiscale.
Le recours préalable doit en principe être envoyé à l’administration fiscale avant le 31 décembre de l’année suivant celle de la mise en recouvrement de l’impôt[19]. Mais quand l’imposition a lieu dans le cadre d’une procédure de reprise ou de rectification, le contribuable dispose du même délai que l’administration pour procéder à sa réclamation[20]. Selon les circonstances, ce délai pourrait donc courir en matière de taxe d’aménagement jusqu’au 31 décembre de la sixième année suivant celle de la notification de l’imposition.
Le recours préalable est fondamental pour assurer la recevabilité du recours contentieux. Il doit être motivé.
Faites-vous accompagner par un professionnel qualifié !
L’administration fiscale a 6 mois pour répondre (délai qu’elle peut prolonger de trois mois).
Si l’administration ne répond pas dans ce délai, ou qu’elle rejette la réclamation, alors le contribuable peut saisir le tribunal administratif.
Pas de temps à perdre néanmoins, car la réclamation ne suspend pas, par elle-même, le recouvrement de l’impôt : le contribuable est quand même tenu de payer l’impôt. Des solutions existent toutefois pour suspendre le paiement.
[1] Art. 1635 quater A du code général des impôts
[2] Art. 1635 quater B du code général des impôts
[3] Art. 1635 quater P du code général des impôts
[4] Art. 1679 octies du code général des impôts
[5] Idem
[6] Art. 1679 nonies du code général des impôts
[7] Art. 1635 quater H du code général des impôts
[8] Idem
[9] Art. 1635 quater J du code général des impôts
[10] Art. 1635 quater L et 1635 quater M du code général des impôts
[11] Idem
[12] Art. 1635 quater N du code général des impôts
[13] Art. 1635 quater D et 1635 quater E du code général des impôts
[14] Art. 1635 quater I du code général des impôts
[15] Art. 1635 quater G du code général des impôts
[18] Art. L. 175A du livre des procédures fiscales
V. par exemple pour la redevance d’archéologie préventive CAA Marseille, 30 janvier 2025, req. n°23MA00406, inédit : un procès-verbal établi en 2014 constate l’existence de travaux achevés en 2009. La Cour administrative d’appel de Marseille considère que l’établissement du procès-verbal, qui n’a pas pour objet de notifier le montant des impositions, n’interrompt pas le délai de reprise de l’administration fiscale. Partant, les travaux ayant été achevés en 2009, le délai de reprise de l’administration fiscale s’exerçait jusqu’au 31 décembre 2015. Dès lors, le titre de perception notifié le 13 décembre 2018 est intervenu tardivement. Elle ordonne la décharge.
[19] Art. R. 196-2 du livre des procédures fiscales
[20] Art. R. 196-3 du livre des procédures fiscales